Rasmané, 16 ans, s’enfonce dans un puits étroit et sans
fond. A plus de 100 mètres de profondeur, maintenu
seulement par quelques renforcements de bois, il s’acharne
sur sa pioche pour extraire la roche dure. Rasmané est un
chercheur d’or adolescent, un « orpailleur », prêt à risquer
sa vie au fond de ces mines artisanales pour s’o!rir un futur.
L’or, pour lui, c’est abstrait, il n’a pas une valeur en soi, il
ne sait pas que la crise mondiale a provoqué une ruée vers
l’or, valeur refuge, depuis de nombreuses années. Il a juste
couru derrière les autres jeunes en quête d’espoir, pour
s’agglutiner dans un paysage de bâches et de trous dé »guré
par l’exploitation humaine. L’or représente pour Rasmané
le moyen le plus évident de gagner de l’argent pour nourrir
l’espoir de s’échapper d’un destin où seul l’attend la pauvreté.
Comme Rasmané, des milliers d’enfants, adolescents
et jeunes burkinabés, s’acharnent au fond de ces mines
artisanales qui s’improvisent parallèlement aux mines
o#cielles. A tel point qu’un habitant sur 18 au Burkina
Faso vit de l’orpaillage aujourd’hui. Ils s’engou!rent dans un
système informel dur et violent, parsemé de propriétaires
de « trous » exploitant leur fougue de jeunesse, d’accidents
mortels et de revendeurs crapuleux, dans un quotidien
éreintant. La plupart du temps, la quête de l’or reste vaine.
Les heures passées à piocher au fond de la galerie sont
stériles. Mais l’espoir demeure. L’espoir de trouver de l’or,
pour continuer à rêver.
Rasmané vit avec d’autres camarades orpailleurs de son
âge mais aussi des plus âgés. Il s’acharne à creuser et scrute
la moindre roche arrachée. Son corps se transforme sous
l’e!ort, ses traits se creusent. Intérieurement, il perd petit à
petit son innocence d’enfant.
Souvent, Rasmané doute. Il a peur des accidents à
répétition, de rester au fond du « trou ». Il a besoin de
s’échapper quelques heures pour se reposer au milieu de
la forêt. Il voudrait bien quitter ce quotidien pour rentrer,
reprendre l’école peut-être, mais pour quelle vie ?
L’avenir de Rasmané repose dans ces sacs de minerais qu’il
transporte jusqu’au « yaar », la ville informelle construite en
bordure des mines où se concentre un ensemble hétéroclite
de petites mains et de propriétaires, tous rassemblés par
l’appât du gain. C’est un nouveau parcours du combattant
qui l’attend, pour naviguer entre charretiers, tailleurs de
pierre, revendeurs et ne pas se faire voler une partie de
sa récolte. Rasmané rencontre Mensah et Dramane, deux
charretiers de 12 et 13 ans, qui circulent dans ce monde
trop sérieux en poussant une brouette plus grosse qu’eux.
Ils sont en charge du transport du « trésor » des orpailleurs
comme Rasmané dans le « yaar ». Ils alternent chaque
année entre les récoltes au village et le travail de charretier
pour satisfaire leurs petits besoins à l‘approche des fêtes.
Mensah a ainsi abandonné l’école mais espère y retourner
un jour. Leur destin dans quelques années, même s’ils n’en
ont pas envie, c’est de s’engou!rer eux-aussi dans ces puits
sans fond à la recherche de l’or, de devenir des orpailleurs
à temps plein, pour espérer gagner leur vie, le plus vite
possible.
Le circuit de la transformation du minerai est long. Le
doute et l’inquiétude s’emparent de Rasmané. Il a hâte de
connaître en »n le fruit de son labeur, ce que valent ces sacs
de minerai.
Finalement, son travail de plusieurs mois lui rapporte
généralement peu. Les espoirs d’une richesse rapide
s’éloignent, avant d’être ravivés par les histoires d’un
orpailleur voisin ayant fait fortune en découvrant une
énorme pépite. Le peu d’élus su#t pourtant à maintenir la
« ction.
Rasmané, Mensah et Dramane nous permettent de raconter
le récit d’initiation de toute une jeunesse burkinabé,
qui passe de l’enfance à l’âge adulte brutalement, de
l’insouciance à la violence, laissant dans son sillage des
corps meurtris, des terres ravagées et des rêves dorés
recouverts de poussière
